Que la vérité
intérieure me soit toujours présente.
Cette vérité n'est pas la vérité d'une chose. Elle est vivante et
personnelle. Elle est dans chaque circonstance la vue de ce que je puis, de ce
que je dois, de ce à quoi je suis appelé, comparée à ce que je fais. C'est là
ce que je suis. Dieu est le scrutateur des cœurs selon Malebranche, la lumière
à laquelle je ne puis échapper. Je puis dissimuler ce que je suis à d'autres,
ou peut-être à moi-même, mais non pas à Dieu, c'est-à-dire que je ne puis
empêcher les choses d'être ce qu'elles sont.
Le « connais-toi »,
c'est la science de la vérité spirituelle, et, si l'on peut dire, la science de
Dieu en moi.
« L'œil par où je vois
Dieu est le même œil par où il me voit », dit Angelus
Silesius cité par Amiel qui ajoute : « Chacun
entre en Dieu autant que Dieu entre en lui ».
Ce n'est jamais nous qui nous
regardons nous-même, c'est le regard de Dieu en nous. Il est le regard et il
est la lumière. Nous ne pouvons pas nous-même nous voir sans que Dieu soit
présent, mais cela ne prouve pas que nous le voyons lui-même, pas plus que la
lumière qui éclaire pourtant tous les objets qui sont dans le monde. Mais si
c'est Dieu qui nous voit, on ne peut pas se voir sans savoir qui l'on est,
c'est-à-dire sans se juger.
La conscience naît de la
participation du divers à l'un. Mais l'un est au-delà de la conscience, comme
la lumière est au-delà de l'éclairement. Dans la participation ce qui vient de
l'Un ou de l'Acte est illumination, et ce qui provient de la matière, de la
passivité ou du divers est illuminé.
Il n’est pas inutile de croire
qu'il n'y a rien de notre vie intérieure qui puisse demeurer caché, ou encore
que Dieu voit tout ce qui est en nous, car alors nous le voyons mieux
nous-même.
La conscience suppose toujours
une différence ; quand la différence cesse, la conscience se retire. La
théorie de la conscience, c'est la théorie de l'intervalle. La conscience
cherche toujours à s'abolir dans la possession de son objet. Mais il y a une
abolition de la conscience qui retranche à la conscience et une abolition qui y
ajoute, une abolition de la conscience qui ne laisse rien subsister de l'acte
qui la produit et une abolition de la conscience qui est la perfection de cet
acte même. La conscience unifie, elle n'est pas encore l'Un ; mais devenir
l'objet de la connaissance, c'est le résorber dans l'acte qui en le produisant
l'abolit comme objet.
Conscience de soi.
Pour être capable de se connaître et de se guérir, il faut être sans
amour-propre et sans honneur comme le malade devant le médecin. Encore le
malade a-t-il toujours peur que le médecin ne découvre pas la totalité du mal
qui est en lui. Ce qui arrive parfois au pénitent : mais c'est presque toujours
par un amour-propre plus subtil.
La dualité constitutive de la
conscience n'est pas celle du moi et de ses états, c'est celle du moi et de
l'univers. Car c'est sur cet univers que nous agissons et non pas sur nos
propres états ; et nos états supposent toujours une réaction de l'univers
sur nous-même, ce qui explique assez bien pourquoi on veut transformer le monde
pour obtenir précisément ces états auxquels l'homme prétend se réduire. C'est
pour cela qu'on peut dire due la conscience est toujours récompense (ou châtiment).
Elle récolte et cueille les résultats de l'activité.
L'univers est donc essentiel à
la constitution de la conscience ; c'est parce qu'il est spectacle qu'il
est aussi objet de l'action et qu'il produit dans la conscience le reflet même
de l'action.
Il y a identité pour le moi entre prendre conscience de lui-même et
acquérir la connaissance de l'univers.