C'est un signe
de force de reconnaître dans tout ce qui nous arrive non pas des marques de
notre destin, mais des signes de notre vocation. Mais c'est un signe de sagesse
d'apprendre à admirer chez autrui une vocation qui n'est pas la
nôtre, sans éprouver de souffrance à penser qu'elle mesure notre impuissance et
nos limites.
Toutes les vocations sont incomparables : elles expriment dans chaque
être sa propre raison d'être, c'est-à-dire sa relation avec l'absolu. Ce qui
suffira pour abolir entre [les êtres] la concurrence ou la jalousie et les
obliger à porter jusqu'au dernier point une activité dont ils ont la charge et
que nul ne pourrait accomplir à leur place.
L'individu et sa différence essentielle.
La perfection de nos relations avec un autre suppose que nous avons su
discerner la différence qui lui est propre, c'est-à-dire reconnu la vocation
qui lui appartient, et que, dans la mesure de nos forces, nous l'aidons à la
remplir.
Nous pouvons bien dire de
chaque homme qu'il est une idée, mais il faut ajouter qu'il n'est pas toujours
capable de la connaître, ni de la réaliser. Dès qu'il y parvient, une lumière
se fait en lui, un élan commence à l'animer, qui sont les marques mêmes de sa
vocation.
Nul ne sait rien de soi qui n'a pas atteint en soi un secret si profond
et si personnel que tous les êtres pourtant le rencontrent au fond d'eux-mêmes
comme s'il était le leur. Ainsi, par une sorte de paradoxe, ils ne communient
entre eux que dans le dernier point de la solitude et de l'intimité dont il
semble qu'il ne puisse jamais être manifesté, ni être violé. Dès qu'ils ont
besoin de témoignages, la communion cesse au profit de la communication qui ne
se produit que dans le monde des signes, c'est-à-dire des apparences. C'est là
où je suis présent à moi-même que je puis aussi vous devenir présent ; mais
c'est là aussi que l'apparence s'abolit et que l'expression défaille.
Le moi comme être possible. La
destinée consiste seulement à découvrir, à mettre en jeu et à actualiser ses
propres possibilités. Le moi interrogation sur lui-même, sur son essence.
Quelle folie de discuter si l'essence est avant ou
après. Elle est éternelle et selon le changement de perspective paraît être
avant ou après.
L'existence toujours donnée à transformer en acte.
Pourquoi l'existence ? Parce que sans elle l'essence ne serait pas
nôtre, c'est-à-dire faite par nous. L'existence nœud entre l'idée (possible) et
l'idée (possession).
Le propre de la parole, de la pensée et de l'action, c'est de nous
porter toujours un peu au-delà de ce que nous sommes afin de nous obliger à
réaliser ce que nous pouvons être. Et c'est pour cela qu'elles nous donnent
toujours de l'insécurité : car nul ne peut connaître absolument les puissances
qui sont en lui ni l'être qu'en les exerçant il va se donner.
La vocation, ou ce qui revient
au même, l'essence individuelle, c'est notre rapport avec le tout au point même
où il nous découvre comment sans nous il serait incapable de subsister.
Il y a dans chaque conscience un point d'émotion permanent rarement
atteint où se produit la rencontre de notre vocation et de l'événement. La
difficulté c'est d'amener chacune de nos pensées, chacune de nos actions en
contact avec lui.
Il faut que chaque être descende jusqu'à ce dernier réduit de
l'intimité où il découvre un goût et un désir de participer à l'être et à la
vie pour y réaliser une vocation qui ne peut être que la sienne.
La destinée spirituelle et non
événementielle (les événements ne sont que des moyens). L'événement qui absorbe
tout ou qui à la limite disparaît.
Une vérité éternelle que la vie a rendue mienne. Accomplissement
spirituel sous le regard de Dieu. Une destinée qui est semblable à une traînée
de lumière dans le Ciel de l'éternité.
La vocation et la sincérité intérieure ne font qu'un. Aller jusqu'au
bout de sa sincérité dans tous les cas, c'est aller jusqu'à l'absolu de la
grandeur (et de la simplicité), c'est découvrir sa volonté la plus profonde,
qui n'est qu'une expression de la volonté de Dieu sur nous.